Les mains dans l'argile : toi, nous et la leucémie #23
La ville s’était vidée. Le temps
semblait suspendu.
Il n’y restait que
les plus âgés, les plus pauvres et les malades. Nous n’avions plus personne à
regarder vivre dans la rue. Il y avait moins de risque à te proposer de
sortir.
Nous avons ainsi fait quelques
tentatives. Casquette sur la tête ? OK ! Lunettes sur le nez ? Ok ! masque sur
la bouche ? OK !
Nous faisions quelques courses
lorsqu’ une dame a éclaté en sanglots en te voyant ; tu faisais de la
balançoire dans un parc quand des parents ont rappelé sèchement les enfants qui
s’approchaient de toi et ont quitté précipitamment le parc. Tu étais devenu un
objet de fascination et de terreur.
On dit que les premières années de
la vie sont constitutives de la manière dont on se voit, dont on s’accepte. Je
me demande si nous avons bien fait de t’exposer, quoique rarement, aux regards
des autres. Je me demande si tu les as remarqués, s’ils t’ont blessés ou si tu
avançais les yeux dans les yeux de ton père sans te préoccuper du reste.
En tous cas, pour nous, tu étais
beau. La courbe de ton crâne et la finesse de ta nuque m’émouvaient et j’aimais
laisser courir mes doigts sur le duvet qui repoussait sur ta tête. Je souffrais
des bleus que les aiguilles laissaient sur tes bras, de la voie centrale qu'on voyait saillir dans tes veines et des mucites qui t'accablaient.
Comme un miracle, nous avons été
autorisés à partir à la montagne quelques jours. Nos chères montagnes! Popa et
Moma nous ont accompagnés. Nous avons passé là-haut quelques jours hors du
temps. La montagne vibrait de toutes ses nuances de vert et de rose, le soleil nous chauffait les os.
Tu gambadais librement dans les alpages.
Dans mon esprit venait se
surimprimer le film « le petit prince a dit », merveilleux film où un Papa
prend des chemins de traverse et emmène sa fille atteinte d’une tumeur au
cerveau dans la montagne plutôt qu’à l’hôpital. Il me prenait des envies d'évasion.
Et puis il a fallu rentrer et
retrouver le quotidien et l’hôpital.
Maintenir la vie telle qu'elle doit être , vous avez bien fait. Les réactions ineptes blessent et lorsque la maladie dure même 20 ans après on ne s y habitue pas... Mais un enfant est protégé par le filtre, cette bulle que fait le regard aimant et admiratif de ses parents. Il et vous avez ces souvenirs de balançoire gagnés sur les heures sombres, seul cela compte et comptera. Douce écriture à vous.
RépondreSupprimerIl y a aussi le film américain (avec Cameron Diaz) "My sister's keeper" ("Ma vie pour la tienne"), qui raconte l'histoire d'une adolescente qui a une leucémie, et dont les parents espèrent que la petite sœur sera compatible pour des greffes (car elle a été conçue pour ça...). Mais la petite en a marre de subir diverses procédures médicales et attaque un jour ses parents en justice pour que cela cesse... Je ne te dévoile pas le film, au cas où !
RépondreSupprimerLa scène où le père va chercher sa fille à l'hôpital, contre l'avis de sa femme qui a peur qu'il arrive quelque chose, pour l'emmener sur la plage est magnifique (et me fait pleurer à chaque fois).
Merci pour ces partages. Le premier miroir dans lequel se construit l'enfant est le regard, ici plein d'amour, de ses parents. Belle vie à vous 4 !
merc i pour ces pages d' écriture que je savoure chaque fois !
RépondreSupprimerbises
L'amour l'amour qui se dégage de tous les articles de cette dure épreuve ème votre enfant Isabelle , tout ce que vous avez faite, vous faites est le fruit de cet amour et plus que bénéfique.,.je n'ai pas de mots pour vous dire combien je suis admirative de votre force, votre courage.Merci Isabelle de ces pages que vous partagez ici. Je vous embrasse tendrement Colette
RépondreSupprimerTes mots me bouleversent à chaque fois...
RépondreSupprimerQuel courage à toute votre petite famille ♥